Je dessine soit par discipline pour m'entraîner la main en faisant des gammes graphiques, cette pratique est de l'ordre de l'éthique, c'est entretenir ses possibilités techniques de travail pour être toujours au plus haut niveaugestuel. La contrainte apporte la liberté, la main doit rester sûre pour ne pas trahir l'esprit. Dans cette optique je travaille aussi le modelé classique tel que je l'ai appris lors des études préparatoires au professorat de dessin. Ancienne formule où l'on ne plaisantait pas sur la question.
       Mais cela je le fais aussi pour le pur plaisir de travailler à partir de dessins des époques majeures du dessin, pour continuer à fréquenter les grands maîtres avec lesquels je me sens en bonne compagnie parmi les reproductions de leurs oeuvres.
       Les Italiens évidemment, Caracci, Naldini, Vasari, Bandinelli, Tempesta, Primaticcio entre autres, et les Français tels que Gericault, Le Brun, Simon Vouet, Delaroche, Odilon Redon, Eustache Lesueur, Caruelle d'Aligny, Greuze, Poussin, Daumier, Callot ou Carpeaux.
       Parfois aussi à partir de Picasso, mais cela je l'ai fait depuis l'âge d'une douzaine d'années. Il fut mon premier phare, pour son génie irrésistible et aussi pour ses engagements politiques en tant qu' artiste.
       Je ne conserve pas ces fantaisies imitatrices je les jette systématiquement aussitôt faites. Je ne veux à aucun moment rester dans la posture de la filiation formelle, sauf quand j'ai besoin d'en conserver quelques uns pour réaliser un pastiche quelque part dans une peinture.
       Quelques dessins ont été dans un lointain passé des compositions concues comme une finalité en soi, un tableau traitant un sujet. J'ai abandonné cette pratique, je ne sais plus trop pourquoi.
       Mes autres dessins sont des études préparatoires que en général je ne garde pas, tous préfigurent une peinture ou une sculpture, dès lors que j'en ai utilisé leurs ressources en réalisant la création envisagée je les jette à la corbeille.
        Il m'arrive pendant les vacances, pour m'exercer l'acuité du regard et du geste synthétique qui doit lui correspondre, de faire des croquis. Dans ce but j'utilise parfois la photo, avec laquelle je prends le contrepied du croquis qui exige d'être toujours incisif, je réalise alors des photos floues qui restent des allusions du regard, de l'évocation des masses ou de la trace fugitive d'un mouvement. De ces images toutes bonnes pour la poubelle j'extrais beaucoup d'enseignements utiles pour la peinture dans le traitement d'une texture ou d'une dynamique.